Homélie de l'Abbé Guillaume Seguin

 

Mon très cher Olivier,
Chère Madame, cher Monsieur, vous ses parents,
Chers Thomas, Matthieu et Bénédicte,
Frères et Soeurs,

Ne nous le cachons pas, nous sommes abasourdis par cet instant et s’il était en notre pouvoir de l’éviter nous ferions tout pour l’éliminer. Cependant, nous sommes bien obligés de le reconnaître, et c’est d’ailleurs une bonne part de notre trouble : nous ne maîtrisons pas les événements. Serions nous alors seulement condamnés à les subir ?
Notre vie consisterait-elle à profiter au maximum en essayant d’esquisser tout ce qui pourrait venir la troubler ? Accusant tour à tour le destin ou le hasard pour expliquer l’inexplicable.

Aujourd’hui dans nos cris de douleurs ou de révoltes, il y a la preuve que nous aspirons au plus profond de nous mêmes à une béatitude humaine que seule la vie divine peut nous offrir. Or, Olivier non seulement par son départ brutal nous le révèle, mais surtout par sa vie (trop courte certes) nous a montré le chemin.

Elles sont beaucoup trop nombreuses les anecdotes en apparences futiles, les petits phrases dites à la volée au détour d’une conversation, d’un mail ou d’un SMS, mais qui aujourd’hui prennent un poids considérable, pour toutes les évoquer. Seulement en nous les remémorant chacun de nous, sans canoniser Olivier, peut témoigner de ce que durant sa vie, il nous a éclairé. J’ai pris le parti non pas de parler de la mort et de son scandale, mais de la vie d’Olivier, attachée dès sa naissance par son prénom, à la vie du Christ, sur le mont qui donne accès à Jérusalem.

Il y a alors quelque chose de rassurant et presque de consolant que de constater qu’au milieu de nos larmes, une étincelle scintille, un chemin se dévoile, un appel se fait entendre.

L’étincelle, Olivier l’avait repérée depuis longtemps. Probablement touché au plus profond de lui même par la grâce de son baptême que vous lui avez offert en le présentant à l’Eglise, il a cultivé cette semence lumineuse, et petit à petit pris goût à la contempler en suivant cette source qui éclaire et désaltère. Il est étonnant de constater à quel point il aura comme imité le Christ dans le déroulement de sa vie spirituelle. Une première partie, la plus longue comme cachée et vécue autour de cette chapelle (ou dedans). Enseigné ici pendant presque la moitié de sa vie, il y aura reçu la force de l’Esprit dans la Confirmation et enraciné sa foi en la professant officiellement. Sans qu’il ne l’exprime lui même, cette chapelle aura été comme le berceau de sa vie spirituelle, préparant les années plus courtes, mais en apparence plus intenses qu’il allait vivre à Stanislas et à Centrale. D’une vie spirituelle discrète et cachée, il allait passer à une vie décidée et fortifiée parce qu’enracinée. Ainsi il allait goûter les joies du silence et de l’intimité avec le Christ dans l’oraison. Ce désir de rencontre n’allait plus le quitter, et de plus en plus il allait le formuler, jusqu’à envisager avec bonheur de prendre le temps d’une retraite par trimestre, au milieu de l’agitation du monde, en y invitant même ses amis, pour apprécier l’essentiel et ne pas perdre le chemin du ciel.

Le chemin, Olivier l’a emprunté, et après avoir été guidé, éduqué, conseillé, il avait décidé de le montrer, alors il s’est engagé. Vous avez de la chance vous frères scouts d’avoir eu un tel chef, qui juste avant d’accepter la responsabilité de vous guider, a pris l’engagement devant vous, dans son départ routier de suivre le Christ, et d’orienter toute sa vie vers celui qui nous la donne. C’est là aussi assez troublant, de reconnaître que son ultime et définitif rendez vous avec Dieu se mettait en place sous nos yeux, et les siens. C’est maintenant que l’on voit mieux et que lui voit parfaitement. Emprunter alors le chemin qu’il nous montre, c’était sa plus grande joie. Que Dieu soit honoré et « premier servi » (jusqu’à le mettre comme alarme à son téléphone le matin), afin de vivre sur cette terre dans l’attente et la préparation du ciel, sans oublier de le chanter aux abords de la nuit dans les complies.

Car même si Olivier ne s’est probablement pas vu partir, et ne pouvait pas se douter en ce dimanche matin, où il allait dans la joie d’être avec ses frères, courir son dernier marathon, celui qui le propulserait dans les bras du Père, chaque jour de sa vie il se préparait. Il est magnifique de voir à quel point aujourd’hui, l’âme d’Olivier affleurait à la surface de sa vie. Pour mieux le signifier et l’exprimer, il récitait quotidiennement la prière du Bienheureux Charles de Foucauld : « Mon Père je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira … je remets mon âme entre tes mains, je te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon coeur. » Car Olivier entendait l’appel de Dieu à le suivre et à le servir. Ainsi comme il me l’écrivait la veille de sa mort, « l’année dernière était celle des décisions, la prochaine devait être celle de la fidélité ». Après avoir posé les fondements par des décisions et des engagements, il voulait maintenant mettre son honneur à construire conformément à ses promesses et grandir dans la fidélité, pour mieux s’unir à Dieu. C’est dans cet élan qu’il est parti vivre cette fidélité pour l’éternité. Le ciel ne nous l’a pas volé, et lui non plus ; il l’a attendu, entendu et désiré !
Que le cri de douleur que nous exprimons n’étouffe pas le cri de bonheur que nous entendons !

Une étincelle, un chemin, un appel, désormais nous devenons héritiers du témoignage qu’il nous a donné. Soyons à la hauteur et parcourons cette course sur la terre, vers le ciel, avec l’enthousiasme de ceux qui cherchent Dieu, sans perdre de temps. Notre vie est belle, même si elle est douloureuse, et elle nous conduit vers celui qui nous donne la vie, pour l’éternité. Olivier l’avait déjà deviné, puisqu’il écrivait encore récemment que « vivre ne laisse pas beaucoup de temps ». Maintenant, il vit en dehors du temps, il vit éternellement.


Il n’était pas aisé de sélectionner les textes de la liturgie qui convenaient le mieux pour cette dernière messe avec lui. Cependant, là encore un signe nous avait été donné : le jour même de son départ nous entendions parmi les lectures dominicales ce texte de Saint Paul aux Philippiens : « Pour moi Vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » ! …
Notre cri s’étouffe alors, notre émotion nous submerge, mais les faits et les mots sont là, la vie d’Olivier vient comme authentifier ce qu’il désirait, et écoutait lorsque pour la dernière fois je le bénissais, au soir de son départ routier, après lui avoir donné le pardon de ses péchés : « N’oublie pas que la route est un passage par delà la vie terrestre vers le pays de l’éternelle jeunesse, où accueilli par le Père, tu ressusciteras. Pars maintenant à la suite du Christ et rayonne la paix et la joie. »

Alors Saint Paul recommande à ceux qui restent, c’est à dire à nous tous : « Quant à vous menez une vie digne de l’Evangile du Christ ! »
S’il y avait un engagement à prendre aujourd’hui, pour honorer Olivier et lui montrer que nous avons bien détecté l’étincelle, vu le chemin, et entendu l’appel, ce serait bien celui de vivre conformément à la vie du Christ, selon l’évangile. Voilà pourquoi aussi, ses proches ont choisi celui que nous avons lu.
Olivier se réjouissait en ce début d’année d’avoir donné comme thème au groupe scout, celui qu’il appliquait à sa propre vie : « Que ton oui soit oui, et que ton non soit non. » Il n’aimait pas l’indécision, l’hésitation, et allait jusqu’à signer des mails avec un laconique : « Audace et Adoration. » Le Christ par son enseignement nous fait entrer dans un monde totalement différent. Nous ne pouvons plus nous contenter du seul bon sens, ou de la justice à nos yeux équilibrée selon les actes posés ; nous devons aller jusque dans la démesure de l’amour : être capable d’aimer nos ennemis. Cette capacité nous est donnée par grâce, lorsque nous nous entrainons à la recevoir. Le lieu béni de cette réception habituelle, demeure les sacrements. Il est impressionnant de voir comment Olivier a durant sa vie, goûté ces moments d’intimités avec le Seigneur. Il aimait se confesser avec simplicité et profondeur. Il prenait même le temps nécessaire ; ou bien d’assister à la célébration de la messe, le dimanche bien sûr mais aussi en semaine. Je rends grâce devant vous d’avoir été un témoin privilégié de ces moments d’intimité. De nombreuses fois j’ai eu la joie de lui célébrer la messe et de lui donner Jésus dans l’hostie consacrée, ou de lui donner le pardon de Dieu pour ses péchés. C’est pourquoi aujourd’hui en perdant un fils spirituel, je sais que je gagne, comme nous tous, un frère au ciel. Car j’ai été témoin dans la vie d’Olivier du travail de la grâce du Seigneur et de son aspiration profonde à devenir parfait comme le Père du ciel est parfait. Par sa vie, Olivier nous a prouvé qu’il cherchait l’accomplissement que Dieu lui promettait, qu’il le désirait. De façon mystérieuse, c’est dimanche, le jour de la résurrection, qu’il a connu cet accomplissement, cet achèvement.
Alors quoi maintenant ?

- Pour Olivier : nous devons prier et l’accompagner dans ce face à face avec Dieu. Pas très inquiets de sa décision, étant donné sa préparation. Cependant, ce rendez vous est tellement important que nous devons être à ses cotés, pour tenir cette fidélité. Tout comme la Vierge Marie le fait, auprès de ses enfants qui la prient. N’était-ce pas le cas d’Olivier, qui avait toujours dans sa poche un chapelet, en souvenir de celui que son grand père avait offert à tout ses petits enfants. Il sera le premier à le rejoindre, et probablement à l’embrasser pour ce geste si simple et anodin, mais tellement profond qui aujourd’hui encore prend une très grande signification. Il a répété sans se lasser : « Priez pour nous pauvres pêcheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ».

- Pour nous : accepter les signes que Dieu nous donne, et nous engager résolument, sans tergiverser, et sans nous inquiéter de parfois chuter, il nous reste à parcourir un beau chemin sur la terre, puisqu’il est celui qui nous mène au ciel. Ne nous perdons pas en discussion sans fin, mais agissons, décidons, avançons, j’ose dire fonçons, dans l’exercice de la Charité qui seule pourra bien nous consoler et nous éclairer.

Laissez alors raisonner cet appel intérieur que vous entendez, peut être au coeur de la douleur, et qui vous demande de vivre conformément à votre vocation, à votre état : vous ses parents, ses frères, sa famille, ses amis, ses scouts, …
Oui, c’est certain, Olivier aura bien vu cette lumière du Christ dans sa vie, devenant pour nous une étincelle ; il aura bien emprunté le chemin vers Dieu en nous le montrant au quotidien, et il fait raisonner l’appel que Dieu envoie à chacun de ses enfants à l’exemple du OUI de la Vierge Marie répondant à la volonté de Dieu = d’être dès maintenant des Saints.

Mon cher Olivier, en cette messe unique qui est célébrée pour toi et avec toi, une dernière fois, et cette fois-ci c’est la bonne : A Dieu Va, pour que tu vives avec lui ! Amen.


abbé Guillaume Seguin
ancien aumônier de Stanislas
aumônier général de St-Jean-de-Passy
et père Spirituel d'Olivier


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