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Mon si cher Olivier,
Ça y est. Tu as franchi la porte. Tu as enfin retrouvé Celui qui t'avait fait, Celui pour qui tu étais fait. Ton âme a enfin quitté ce corps de misères et de souffrances pour s'élancer vers l'Autre Monde, celui de la joie parfaite. Tu as déjà contemplé notre Maître et Seigneur. Avec quelle bonté a-t-il dû te regarder! "Je suis la Résurrection et la Vie: celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais" a-t-il dû te dire. (Jn 11, 25-26). Je viens de communier, et je sais n'avoir jamais été aussi près de toi, mon cher Olivier.
Cette foi, inébranlable, n'ôte pas la peine de ton départ. Jésus n'a-t-il pas pleuré sur le corps de Lazare, son ami, avant de le ressusciter ? Oui, tu vas me manquer. Dans cette grande aventure de la vie, je crois que tu m'as toujours considéré comme le premier de cordée. Il faut croire que mon rythme était trop lent pour toi…
J'aurais aimé passer encore beaucoup de temps avec toi. J'aurais aimé jouer encore au poker avec toi, même si tu m'énervais à faire tourner les jetons dans ta main gauche! J'aurais aimé perdre encore beaucoup de temps devant Kaamlott à Rouvoltz, j'aurais aimé continuer de faire semblant de te croire lorsque tu affirmais que nous avions à peu près le même niveau de tennis!
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Tu es parti trop vite, beaucoup trop vite. Nous avions encore tellement de choses à nous dire. Lorsque je revenais du séminaire, la lumière s'éteignait rarement avant 3h du matin et quelques verres de Cointreau raflés dans la réserve de ton papa. Mais ce qui me manquera surtout, c'est ton amitié, je parle de la véritable amitié, celle qui avait commencé lors d'un séjour au monastère du Barroux où nous avions peu parlé d'algèbre et beaucoup du Bon Dieu. Tu voulais tout savoir sur Lui! Nous avons longuement parlé des Mystères insondables de la Foi, de la messe, du scoutisme, de la mort aussi. Tu te désolais d'en avoir si peu appris au caté. J'ai même dû fouiller dans mes propres classeurs de catéchisme pour retrouver les polys sur les sacrements, que l'on étudiait chaque mardi de sup avec Romain. Tu n'en as plus besoin maintenant: tu vis ce dont on parlait. L'oraison: voilà surtout ce qui nous a rapprochés. Chaque soir, nous nous retrouvions en silence, une demi-heure, devant Jésus-Hostie au tabernacle de la chapelle de Stan. Et dans ce coeur à coeur quotidien avec le Bien-Aimé se sont noués des liens qui dépassent l'ordre naturel, je crois. Lorsque je t'ai annoncé ma vocation, mon désir de me donner tout entier à Dieu, tu as accueilli cette nouvelle avec beaucoup de joie, peu d'étonnement mais pas mal de questions. Je savais que je pouvais compter sur toi pour porter cette nouvelle dans la prière. Tu m'as toujours soutenu dans ma vocation. Je compte maintenant sur toi plus que jamais! Maintenant tu nous montres l'essentiel. Tu nous montres que Centrale Paris était peu, que la vie terrestre est courte et que seuls restent l'amour, l'amitié, l'union à Dieu, la prière. En voyant toute ta famille et tes amis réunis ici, je pense que tu dois être heureux. Tu tenais tellement à ces liens humains. Ton visage doit maintenant s'éclairer du sourire que nous connaissons bien.
Voilà ce que tu m'écrivais dans la dernière lettre que je reçus de toi: "Sinon je suis un peu en mode blasé ces temps ci. Disons pour faire simple que la flamme qui anime mon coeur faiblit. Je sens que je pourrais bien mieux me débrouiller à Centrale (en terme d'évangélisation). Ce n'est pas que je doute de Dieu ou de la grandeur de ce qui nous attend après la mort ou encore du fait que chaque jour je sois appelé à me sanctifier. C'est plutôt que je doute de ma capacité à répondre oui à cet appel. Cette flamme qui faiblit crée une sorte de vide, que j'ai du mal à combler tant j'ai l'impression d'être cette terre aride où la graine ne germe pas, ou l'eau ne pénètre pas… Je sais ça parait absurde, et ça fait quelque temps que je sens que je ne prie pas assez. La solution est surement là tu me diras, mais j'ai pas l'impression d'avoir les bonnes oreilles… J'ai beaucoup de mal à identifier ce qui vient de Dieu et ce qui n'en vient pas… Comment tu fais pour garder cette flamme aussi vive déjà?"
Voilà ce qui me donne l'Espérance formidable de te revoir un jour, mon cher Olivier. Tu savais que la sainteté n'est pas un état mais un chemin, que tu étais bien trop faible pour le gravir seul et qu'il fallait compter uniquement sur la prière pour que la graine germe sur la terre aride de nos coeurs. Cela suffit pour que des fleuves de Miséricorde se déversent du Coeur transpercé de notre juste Juge, et Père. Notre amitié ne termine pas aujourd'hui. Seulement, les rôles s'inversent. Tu es le premier de cordée maintenant. Aide moi, aide nous à croire. Aide nous à croire que la mort n'a pas le dernier mot. Aide nous à croire que "la mort a été engloutie dans la victoire, comme tous meurent en Adam, en Christ tous recevront la vie" (cf. 1Co 15). Ne permets pas que nous nous révoltions contre le bon Dieu. Comment l'Auteur de la Vie pourrait-il être responsable de la mort?
Je veux même aller plus loin, car tu nous emportes plus loin. Aide nous à remercier le Seigneur pour sa bonté, car Il sait quel est le meilleur moment pour nous rappeler à Lui.
"Oui, Père, je te loue de ce que tu l'as voulu ainsi" (Mt 11, 26)
On m'a dit un jour: l'amitié, c'est donner Dieu à l'autre et donner l'autre à Dieu. Je crois avoir essayé de te donner le bon Dieu. Aide moi à te donner au bon Dieu.
"Le Seigneur m'a donné un ami merveilleux. Le Seigneur l'a repris. Que le Nom du Seigneur soit béni !" (Job 1, 21)
Hugues de Franclieu Séminariste www.misericordedivine.fr
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